Il y a un mois, un rappeur grec militant antifasciste a été assassiné par des membres du parti néonazi Aube Dorée, en public et sans réaction des forces de l’ordre. Cet événement a fait la une des médias internationaux mais il était pourtant loin d’être le premier. Aube Dorée avait déjà multiplié les actions violentes contre des immigrés et des militants de gauches ou antifascistes depuis des années. Soudainement, le gouvernement a réagi et a arrêté le chef du parti, ainsi que des députés et des membres d’Aube Dorée. On pourrait croire que le gouvernement entend lutter réellement contre l’extrême droite. Pourtant, lors des discours qui suivent ces arrestations, le premier ministre ne s’est pas gêné pour pointer les extrêmes, comme si les partis de gauche étaient comparables aux néonazis. Cette rhétorique est une manière de montrer que les partis au pouvoir, le centre gauche et la droite, sont les seuls responsables, les seuls sur qui la population peut compter.
On entend régulièrement parler de la situation catastrophique vécue par les Grecs. Elle se dégrade d’années en années au point de se diriger vers une véritable crise humanitaire. Les innombrables suicides, le taux de chômage des jeunes (plus de 60% pour les moins de 25 ans), la proportion de personnes en-dessous du seuil de pauvreté (20%), les enfants qui meurent avant un an, les salaires de misère, les ratonnades de l’extrême droite contre les « étrangers » et les militants qui leur font face,…
Tout cela, on en entend parler épisodiquement, avec une impression de fatalité et surtout présenté comme une exception. Cette situation est encore et toujours présentée dans les médias généralistes comme due aux errements des Grecs, à leurs habitudes dépensières, à l’Etat qu’il faut dégraisser. Ce discours on l’entend aussi ici en Belgique, en France,… Et à la manière dont les événements se déroulent, la Grèce est bien partie pour être non pas une exception mais plutôt un laboratoire de ce qui se passera ailleurs en Europe.
Il y a là quelques contre vérités à démonter et le besoin est urgent de répondre à ceux qui disent sans cesse que la crise de la dette est due à un trop d’Etat pour pouvoir ensuite le piller.
Comme l’a déclaré à de nombreuses reprises le CADTM, la dette de la Grèce est en grande partie illégitime. Les conditionnalités imposées par la Troika violent la Charte de l’ONU, en faisant passer le remboursement de la dette avant le respect des droits économiques, sociaux et culturels. De plus, la souveraineté du pays est complètement négligée, le programme d’austérité imposé en 2010 par la Troika a été décidé sans même consulter le Parlement.
Plus d’une fois, les médias ont proclamé que la Grèce avait été sauvée par la Troika, notamment en 2012 lors de la restructuration de la dette grecque, que certains présentaient comme une annulation.
Cette opération, loin de sauver les Grecs, visait plutôt à aider les banques privées (surtout les banques grecques, allemandes et françaises). Les créanciers ont accepté de renoncer à 53,5% de leurs créances, toutefois, ces titres avaient une valeur très faible et ils ont reçu d’autres titres bien plus sûrs en échange. Dans le même temps, la Troika octroyait un nouveau prêt de 130 milliards. Mais qui dit prêt dit nouveaux remboursements, la population allait continuer à être enchainée par la dette ! Ce prêt était accordé à condition qu’il serve à payer la dette et à soutenir les banques. Les créanciers privés sont remplacés par des créanciers publics internationaux.
Dans une étude récente, Attac montre dans quelles proportions les « plans de sauvetage » de l’UE et du FMI ont été à destination des banques et non de la population grecque. Sur les 206,9 milliards des 23 tranches de financement pour la Grèce, au moins 77% ont été directement ou indirectement au secteur de la finance.
Avant les soi-disant sauvetages, d’où vient cette dette ? Une partie est héritée de la dictature des Colonels et de leurs nombreux achats d’armes aux Etats-Unis. Une autre est issue des Jeux Olympiques de 2004, budgétisés à 2 milliards d’euros pour finalement atteindre près de 15 milliards. Par ailleurs, des affaires de corruption en rapport avec les JO sont apparues dont une impliquant Siemens, multinationale allemande. Après le déclenchement de la crise de la dette, la Turquie, qui est en conflit avec la Grèce depuis des années, a proposé de réduire conjointement les budgets militaires mais la France et l’Allemagne ont refusé. Goldman Sachs a conseillé l’Etat grec et l’a aidé à maquiller ses comptes pour entrer dans l’union européenne, ce qui ne l’a pas empêché de spéculer sur la faillite de la Grèce. Tout cela ajouté aux régimes fiscaux en or des armateurs, de l’Eglise (très puissante en Grèce) et l’évasion fiscale pratiquée par les plus grandes fortunes du pays.
Comme le dit Gérard Filoche dans un article où il répond aux propos de Christine Lagarde incitant les Grecs à payer leurs impôts, « organisons partout des audits de la dette publique pour déterminer publiquement, collectivement, démocratiquement quelle part de la dette est illégitime et ne doit pas faire l’objet de paiement d’intérêts ou de remboursement du capital. »
C’est ce que réclame le CADTM, un audit de la dette que ce soit en Grèce, en Espagne, en Belgique ou dans les pays du Sud.
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