Par Giorgos ROUSSIS, Professeur à l’Université de sciences politiques (Panteion) d’Athènes.
Ces derniers jours se développe une large vague de solidarité internationale vis-à-vis du peuple grec. Depuis les Mères de la place de Mai en Argentine, les syndicalistes du Mexique, les citoyens des États-Unis et de Russie, jusqu’à ceux de plusieurs villes européennes, nombreux sont ceux qui sentent le besoin d’exprimer leur solidarité à la Grèce et d’affirmer qu’ils sont eux aussi des Grecs. Cette réaction rappelle celle des habitants de Vienne quand ils sont sortis dans les rues portant l’étoile jaune pour montrer qu’ils étaient tous des juifs, et plus récemment le slogan des manifestants antiracistes européens qui criaient : «Nous sommes tous des étrangers».
À part les quelques Quisling (1) qui ont invité le Fonds monétaire international, l’Union européenne et la Banque centrale européenne pour «sauver» notre pays et par la suite se sont soumis à leurs ordres, le reste du peuple grec ne peut que s’émouvoir de telles réactions et ne peut que vouloir remercier vivement tous ceux qui lui manifestent leur solidarité. Il importe toutefois que cette expression de solidarité ne soit pas conçue comme une forme d’aide à quelqu’un qui souffre, comme un sentiment de pitié ou encore comme l’expression de la condamnation de celui – incertain et indéfini — qui fait souffrir les Grecs. Aussi, cette solidarité ne peut être identique à celle exprimée au peuple vietnamien dans les années 1960 ou encore au même peuple grec pendant la dictature militaire de 1967 à 1974. De même, il serait insuffisant de marquer sa solidarité avec le peuple grec d’un point de vue semblable à celui du pasteur Martin Niemöller lorsqu’il invitait les Allemands à être solidaires de ceux qui étaient poursuivis par le régime nazi : « Lorsqu’ils sont venus chercher les communistes / Je me suis tu, je n’étais pas communiste. / Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes / Je me suis tu, je n’étais pas syndicaliste. / Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs / Je me suis tu, je n’étais pas juif. / Ensuite ils vinrent prendre les catholiques et je ne dis rien parce que j’étais protestant / Puis ils sont venus me chercher / Et il ne restait plus personne pour protester. »
Il faut bien se rendre compte que la solidarité avec le peuple grec qui résiste à la barbarie multiforme à laquelle il est soumis prend son sens, d’une part, comme protestation et révolte contre ceux qui imposent cette barbarie, qui ne sont autres que l’Union européenne, plus précisément son noyau directeur, le capital allemand, et le Fonds monétaire international, en grande partie dirigé par les États-Unis, d’autre part, comme résistance aux mesures semblables – pour le moment moins intenses – prises par le capital contre les peuples pour surmonter sa crise systémique. De ce point de vue, la meilleure solidarité avec le peuple grec est celle de la résistance dans chaque pays aux attaques du capital et la coordination de cette résistance avec celle du peuple grec.
En ce qui concerne les Grecs eux-mêmes, il est certain que des actions telles que celles des hommes d’affaires grecs aux États-Unis, qui s’adonnent à la charité de la même manière que les riches chrétiens l’ont fait en leur temps après avoir abandonné l’essence communiste du christianisme, ne peuvent en rien contribuer à la solution du problème. De plus, il faut à tout prix éviter de soutenir, comme le fait malheureusement notre grand compositeur Mikis Theodorakis, qu’il y a un complot international contre la Grèce, ou encore éviter de se tourner contre le peuple allemand dont les salaires sont bloqués et les relations de travail précarisées depuis déjà 2002, et auquel on impose – sûrement contre sa volonté générale et avec une mince volonté majoritaire de 54 % – pour président le très réactionnaire Joachim Gauck. De telles attitudes peuvent facilement se transformer en réactions nationalistes qui non seulement ne peuvent en rien servir la cause du peuple grec en lutte, mais sont hautement dangereuses pour tous les peuples.
En conclusion, la solidarité avec le peuple grec, en tant qu’élément d’un internationalisme contemporain, ne peut s’exprimer que sous la forme d’une lutte commune de tous les peuples contre leur dynaste commun, le capitalisme en déclin, qui essaye de sauver sa peau contre la vie des peuples. Nous, en tant que Grecs, nous vous promettons de faire notre devoir. À vous de faire le vôtre.
(1) Bitkoun Quisling, fasciste norvégien qui a appelé Hitler à intervenir en Norvège et s’est offert de l’aider. Premier ministre de son pays pendant l’Occupation.
Giorgos ROUSSIS
À part les quelques Quisling (1) qui ont invité le Fonds monétaire international, l’Union européenne et la Banque centrale européenne pour «sauver» notre pays et par la suite se sont soumis à leurs ordres, le reste du peuple grec ne peut que s’émouvoir de telles réactions et ne peut que vouloir remercier vivement tous ceux qui lui manifestent leur solidarité. Il importe toutefois que cette expression de solidarité ne soit pas conçue comme une forme d’aide à quelqu’un qui souffre, comme un sentiment de pitié ou encore comme l’expression de la condamnation de celui – incertain et indéfini — qui fait souffrir les Grecs. Aussi, cette solidarité ne peut être identique à celle exprimée au peuple vietnamien dans les années 1960 ou encore au même peuple grec pendant la dictature militaire de 1967 à 1974. De même, il serait insuffisant de marquer sa solidarité avec le peuple grec d’un point de vue semblable à celui du pasteur Martin Niemöller lorsqu’il invitait les Allemands à être solidaires de ceux qui étaient poursuivis par le régime nazi : « Lorsqu’ils sont venus chercher les communistes / Je me suis tu, je n’étais pas communiste. / Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes / Je me suis tu, je n’étais pas syndicaliste. / Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs / Je me suis tu, je n’étais pas juif. / Ensuite ils vinrent prendre les catholiques et je ne dis rien parce que j’étais protestant / Puis ils sont venus me chercher / Et il ne restait plus personne pour protester. »
Il faut bien se rendre compte que la solidarité avec le peuple grec qui résiste à la barbarie multiforme à laquelle il est soumis prend son sens, d’une part, comme protestation et révolte contre ceux qui imposent cette barbarie, qui ne sont autres que l’Union européenne, plus précisément son noyau directeur, le capital allemand, et le Fonds monétaire international, en grande partie dirigé par les États-Unis, d’autre part, comme résistance aux mesures semblables – pour le moment moins intenses – prises par le capital contre les peuples pour surmonter sa crise systémique. De ce point de vue, la meilleure solidarité avec le peuple grec est celle de la résistance dans chaque pays aux attaques du capital et la coordination de cette résistance avec celle du peuple grec.
En ce qui concerne les Grecs eux-mêmes, il est certain que des actions telles que celles des hommes d’affaires grecs aux États-Unis, qui s’adonnent à la charité de la même manière que les riches chrétiens l’ont fait en leur temps après avoir abandonné l’essence communiste du christianisme, ne peuvent en rien contribuer à la solution du problème. De plus, il faut à tout prix éviter de soutenir, comme le fait malheureusement notre grand compositeur Mikis Theodorakis, qu’il y a un complot international contre la Grèce, ou encore éviter de se tourner contre le peuple allemand dont les salaires sont bloqués et les relations de travail précarisées depuis déjà 2002, et auquel on impose – sûrement contre sa volonté générale et avec une mince volonté majoritaire de 54 % – pour président le très réactionnaire Joachim Gauck. De telles attitudes peuvent facilement se transformer en réactions nationalistes qui non seulement ne peuvent en rien servir la cause du peuple grec en lutte, mais sont hautement dangereuses pour tous les peuples.
En conclusion, la solidarité avec le peuple grec, en tant qu’élément d’un internationalisme contemporain, ne peut s’exprimer que sous la forme d’une lutte commune de tous les peuples contre leur dynaste commun, le capitalisme en déclin, qui essaye de sauver sa peau contre la vie des peuples. Nous, en tant que Grecs, nous vous promettons de faire notre devoir. À vous de faire le vôtre.
(1) Bitkoun Quisling, fasciste norvégien qui a appelé Hitler à intervenir en Norvège et s’est offert de l’aider. Premier ministre de son pays pendant l’Occupation.
Giorgos ROUSSIS
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