« Dans les rues d'Athènes ont éclaté les pires émeutes et violences policières qu'a connues le pays depuis des années ». « Les émeutiers grecs ont mis le feu à des immeubles et pillé des dizaines de magasins alors qu'ils affrontaient la police dans le centre d'Athènes protestant contre de sévères mesures d'austérité».
Voici quelques échantillons des titres de la grande presse mondiale au sujet des manifestations de dimanche en Grèce, incluant souvent des photos d'immeubles calcinés.
« Je suis vraiment désolé de ce qui s'est produit en Grèce hier » m'ont dit beaucoup d'amis le lundi. Il est sidérant de constater que la grande presse parvient à vous faire ressentir un sentiment de ce type au sujet de la résistance et non des politiques désastreuses qui sont à l'origine de la protestation. Car la véritable nouvelle, c'est que les gens partout en Grèce ont rompu avec la peur et ont manifesté massivement leur détermination à contre-attaquer face à l'austérité imposée par la « troïka » composée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI. De toutes les manifestations géantes qui ont eu lieu depuis mai 2010 quand les plans d'ajustement furent introduits pour la première fois, ce fut la plus massive : Des centaines de milliers de personnes ont participé, les lignes de métro étant incapables de faire face.
Mémorandum II
Des raisons très sérieuses existaient pour une telle mobilisation. Le vote au Parlement grec dans la soirée du dimanche concernait le lot le plus cruel de mesures d'austérité à ce jour, s'engageant à couper dans les salaires et les pensions et à un nouveau round de suppression de postes dans la fonction publique. Aux mots d'ordre du « sacrifice », de la « la mise en ordre du pays » parce que « L'Europe et les marchés le réclament », les mesures prévoient l'abaissement du salaire minimum à 490 EUR (440 pour un premier emploi). C'est une réduction de 22% dans un pays où les prix des biens et services de première nécessité sont dans la moyenne des pays d'Europe de l'Ouest.
Le fameux « Mémorandum II » inclut aussi en pratique l'abolition des conventions collectives. Ces conventions existent en Grèce depuis 1914, mais désormais sauf accord des partenaires sociaux, elles ne seront plus automatiquement renouvelées comme c'était le cas jusqu'alors. La troïka escompte à travers ces mesures une réduction des salaires planchers de sorte de rapprocher la Grèce de ses pairs comme le Portugal et l'Europe centrale et du Sud. Dans la Bulgarie voisine, le salaire minimum est inférieur à 150 EUR (mais les prix sont significativement moins élevés qu'en Grèce). Personne n'avait prévenu les Grecs que la convergence qu'on leur promettait à leur entrée dans l'UE irait dans cette direction : vers le bas.
Le comité pour l'audit de la dette grecque, un rassemblement de groupes de la société civile, n'exagère absolument pas quand il prononce dans une déclaration le mot de « famine ». En 2010, un Grec sur trois vivait en-dessous du seuil de pauvreté selon les propres statistiques de l'UE, et selon les enquêtes menées par les syndicats ce chiffre pourrait être bien supérieur. Les cas de malnutrition chez les écoliers continuent de se multiplier.
Le Mémorandum II prévoit aussi une longue liste de privatisations dans l'urgence. Les prêts seront désormais régis par la loi britannique des sorte que les créanciers de l’État grec puissent le tenir le couteau encore plus serré sur la gorge et perde la possibilité de modifier les conditions de crédit en cas de changement politique.
L'appauvrissement radical de la majorité de la population grecque et la perte de souveraineté rendent la stratégie de peur qu'utilise les politiciens européens et grecs en évoquant les conséquences d'un défaut non-préparé et d'une sortie de l'eurozone moins efficace désormais. Que peut-il arriver de pire que le plan de la troïka ? Pourquoi choisir de rester dans une Union européenne qui ordonne la destruction de structures de l'État social qui existent depuis un siècle ?
Provocations policières & parodie de démocratie
Étant donné le relatif succès des trois jours de grève générale (7, 10 et 11 février) la manifestation de dimanche (12 février) s'annonçait énorme. La violence policière était le seul moyen pour le gouvernement de coalition d'éviter de donner l'image d'être totalement isolé de la société. À Syntagma, la police commença à gazer les gens une demi-heure après le début de la manifestation, ce qui fut suivi d'attaques directes par des policiers à moto. De façon à conserver le centre-ville, les manifestants prirent des mesures défensives. Mais cela n'a aucun rapport avec ces immeubles auxquels le feu fut bouté. Un propriétaire de cinéma raconta que des individus cagoulés lui réclamèrent de l'argent pour éviter que son établissement fût incendié. Le secrétaire du syndicat de la police confirma aussi la présence d'agents provocateurs. « Bien sûr qu'il y avait des agents provocateurs sur place. Il y en a toujours », déclara-t-il, « et la façon dont ils opéraient prouve qu'ils étaient en lien avec la police ».
Au Parlement lui-même, on jouait une parodie de démocratie . En octobre, seuls 153 des 300 Députés avaient voté en faveur de l'austérité. Depuis ce temps, alors que le rejet par le public de l'austérité n'a cessé de grandir, la majorité parlementaire favorable atteint 199. Les Députés n'ont disposé que du samedi matin (avant le début de la séance) pour prendre connaissance de 24 textes, certains en anglais, d'autres superficiellement traduits, et truffés de lacunes comme concernant par exemple le coût total de la recapitalisation des banques. À l'issue du vote, 45 Députés furent exclus de leur parti pour avoir voté contre les mesures. Les Députés indépendants dépassent désormais numériquement le second groupe parlementaire, les conservateurs.
L'incendie austéritaire doit être éteint en Grèce avant de se propager à toute l'Europe
La rupture entre les élites politiques grecques et les citoyens éclatait comme jamais le dimanche, lorsque le seul argument du Premier ministre Papademos en faveur de l'accord d'austérité fut d'éviter un « défaut désordonné ». Pourtant tout le monde sait que le défaut surviendra. La seule question est dans quelles circonstances. Les chefs de l'UE et les banquiers tentent d'éviter un incontrôlable effet domino qui abattrait plusieurs institutions financières en Europe. Les seconds sont également en compétition entre-eux à la fois pour éviter la faillite mais aussi pour tenter de sortir de la crise encore plus puissants. Bien que les Grecs saisissent de plus en plus clairement que ce chacun pour soi, aux énormes coûts humains, doit être arrêté aussi vite que possible.
Une dénonciation de la dette menée par les citoyens est la seule alternative réelle qui permettra de reconstruire le pays sous contrôle démocratique public, au service du peuple et non de l'élite grecque notoirement corrompue et des multinationales étrangères. Partout en Grèce, on voit l'émergence de nouvelles structures populaires basées sur des assemblées de quartier, des entreprises en grève (les sidérurgistes grecs en constituant l'exemple le plus impressionnant), des occupations de médias (dont une chaîne de télévision dirigée par des travailleurs en grève) et des coordinations syndicales de base qui agissent indépendamment des directions syndicales officielles.
La coordination de ces structures avec l'aide de forces progressistes organisées pourrait constituer le noyau d'un mouvement qui conduirait la Grèce que une voie différente et inspirant pour ceux qui combattent dans toute l'Europe la debtocratie et la classe dominante. Pour que cela soit possible, différentes factions de ses mouvements devront dépasser leurs propres faiblesses pour se réunir autour d'un programme commun mais néanmoins radical.
Dans de nombreux pays d'Europe, les gens se mobilisent également contre ces politiques d' « austérité à jamais » imposées sous l'égide de l'UE en combinaison avec la Troïka. La coordination de ces différents mouvements par-delà les frontières est également importante pour gagner, mais il est crucial que l'incendie austéritaire soit stoppé en Grèce avant qu'il ne gagne toute l'Europe.
Yiorgos Vassalos
(traduit de l'anglais par Benoît EUGENE)
Texte original : Breaking with fear in Greece
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